Vous avez sûrement entendu parler du "logement locatif intermédiaire" récemment. Si ce terme vous fait penser à un jargon bureaucratique, rassurez-vous, vous n'êtes pas seul.
Ce concept est devenu un sujet brûlant depuis que Gabriel Attal a proposé de l'intégrer dans les quotas de logements sociaux. L'idée est de répondre à la crise du logement, mais est-ce vraiment la solution magique ou juste une astuce pour apaiser les maires qui ne veulent pas de HLM dans leurs communes ? Spoiler alert : c'est probablement un peu des deux.
Qu'est-ce que le logement intermédiaire, et pourquoi devrions-nous nous en soucier ?
Le logement intermédiaire n'est pas du logement social. C'est comme confondre un smoothie bio et un milkshake à la fraise - tous deux délicieux, mais pas du tout la même chose. Le logement social est destiné aux personnes aux revenus modestes, tandis que le logement intermédiaire vise les classes moyennes, celles qui gagnent un peu trop pour avoir droit aux HLM mais pas assez pour se payer un loyer privé exorbitant.
Cette idée n'est pas nouvelle. Elle date de 1928, avec la loi Loucheur qui proposait déjà des logements "à loyer moyen" pour ceux qui étaient trop riches pour les habitations à bon marché mais trop pauvres pour les logements privés. Fast forward, et on se retrouve avec des Prêts Locatifs Sociaux (PLS) et des Prêts Locatifs Intermédiaires (PLI) qui naviguent entre ces deux mondes.
Une brève histoire du logement intermédiaire
Le logement intermédiaire a connu plusieurs évolutions. Après la loi Loucheur, il a été intégré dans les grands ensembles d'après-guerre sous différentes appellations. La réforme de 1977 a unifié tout ce beau monde sous le Prêt Locatif Aidé (PLA), mais l’expérience n’a pas duré. Dans les années 80 et 90, la diversification est revenue avec le PLS pour les classes moyennes et le PLI pour les intermédiaires.
Mais ces formules n'ont pas toutes connu le même succès. Le PLS est devenu assez populaire, représentant environ un tiers de la production de logements sociaux, surtout dans les villes où le marché immobilier est tendu. Le PLI, en revanche, est resté marginal et s’est presque éteint dans les années 2010. Il faut dire qu’il n’était pas rentable pour les investisseurs.
La renaissance du logement intermédiaire
En 2014, un nouveau modèle de logement intermédiaire a été créé pour remplacer le PLI moribond. Contrairement aux dispositifs fiscaux pour les particuliers (comme le fameux dispositif Pinel), ce modèle repose sur des investisseurs institutionnels comme des sociétés d’assurance et des caisses de retraite. Ces logements bénéficient de taux de TVA réduits et d’un crédit d’impôt sur les sociétés, rendant l’investissement plus attrayant.
Ces logements intermédiaires doivent rester loués pendant 20 ans, mais les propriétaires peuvent commencer à les vendre après 11 ans. En 2024, le gouvernement a annoncé un objectif ambitieux de doubler la production annuelle de logements intermédiaires, visant 75 000 nouveaux logements d’ici 2026.
Les plafonds de ressources : une question de définition
Le débat sur l’intégration du logement intermédiaire dans les quotas de logements sociaux se concentre sur la question des plafonds de ressources. En gros, les plafonds de ressources pour accéder au logement intermédiaire sont bien plus élevés que ceux du logement social. Par exemple, un couple avec un enfant doit gagner au maximum 4 290 euros par mois pour accéder au logement social standard, mais peut aller jusqu'à 7 160 euros pour un logement intermédiaire.
Avec de tels plafonds, on dépasse largement la classe moyenne. En réalité, les logements intermédiaires servent souvent à des ménages qui auraient également pu prétendre à des logements sociaux plus classiques. À Paris, par exemple, près de 90% des logements intermédiaires attribués en 2021 l'ont été à des ménages relevant de plafonds inférieurs à ceux du PLS.
Le mystère du logement intermédiaire
Le succès du logement intermédiaire repose en grande partie sur le fait qu'il n'est pas considéré comme du logement social. Les procédures d’attribution sont plus simples et plus rapides, ce qui attire des ménages qui, autrement, ne se seraient pas tournés vers les logements sociaux. En plus, il y a un certain snobisme à éviter les HLM, souvent perçus comme réservés aux plus précaires.
Un exemple concret : la région Île-de-France
En Île-de-France, les loyers des logements intermédiaires sont nettement plus élevés que ceux des logements sociaux, mais restent en dessous des loyers du secteur privé. Un trois pièces de 64m² coûterait environ 900 euros en logement intermédiaire, contre 780 euros en PLS et 480 euros en PLUS. Dans le secteur privé, le même appartement pourrait coûter entre 980 et 1 300 euros.
Ces logements intermédiaires sont souvent situés dans des zones moins chères et moins attractives, comme la Seine-Saint-Denis. Ils sont aussi généralement plus petits, principalement des deux et trois pièces, ce qui les rend adaptés aux jeunes actifs en début de carrière.
Conclusion : un maillon utile mais limité
En fin de compte, les logements intermédiaires jouent un rôle important dans la chaîne du logement, surtout dans les zones où le marché est tendu. Ils offrent une option pour les ménages de classe moyenne qui ne peuvent pas se permettre les loyers privés mais qui n'ont pas droit aux HLM. Cependant, ils ne doivent pas être confondus avec les logements sociaux.
Intégrer le logement intermédiaire dans les quotas de logements sociaux peut sembler une solution rapide pour satisfaire les maires réticents, mais c'est une approche qui risque de diluer les objectifs de la loi SRU. Il est crucial de continuer à développer une offre de logements sociaux véritablement abordables pour les ménages les plus en difficulté.
Alors, la prochaine fois que vous entendez parler de logements intermédiaires, pensez-y comme à cette option entre le smoothie bio et le milkshake à la fraise. Chacun a son public et son utilité, mais il est essentiel de ne pas les mélanger.