Comment expliquer la faillite de Silicon Valley Bank (SVB) ?

Comment expliquer la faillite de Silicon Valley Bank (SVB) ?

La banque a subi le "bank run", c'est-à-dire un retrait massif de l'argent déposé par les clients. C'est d'ailleurs le seul véritable événement qui conduit à une faillite d'un établissement bancaire qui est la Silicon Valley Bank.

Les clients de SVB ont retiré massivement leurs dépôts, la banque a essayé de vendre le maximum d'actifs, mais de manière insuffisante et surtout à perte. En parallèle, l'augmentation de capital planifiée n'a pu être réalisée. 

De la crise de 1929 à Fortis, c'est toujours le même schéma qui se répète. 

La chronologie de la faillite de Silicon Valley Bank ?

Sur l’année 2021-2022, SVB a connu une hausse de 100% des dépôts clients (grâce notamment aux levées de fonds records des startups, clientèle principale de SVB. La banque place une grande partie en obligation du trésor américain à 10 ans.

Les taux d’intérêts augmentent aux états-unis. Le prix des obligations d’états diminue (quand les taux augmentent, le prix d’une obligation à taux fixe diminue et inversement). 

Au 31 décembre 2022, SVB avait plusieurs milliards de dollars de pertes latentes sur son portefeuille de titres.

Lorsque SVB a publié ses résultats du quatrième trimestre au début de l'année 2023, Moody's, une agence de notation de crédit, a souhaité revoir la notation de SVB. 

Au début du mois de mars 2023, Moody’s a déclaré que SVB était à haut risque de dégradation en raison de ses pertes non réalisées importantes sur ses titres d’état. 

Les premiers clients s’inquiètent et une diminution des dépôts est constatée.

En réponse, dans la première semaine de mars, SVB a cherché à vendre 2 milliards de dollars de ses investissements à perte pour aider à renforcer la liquidité de son bilan en difficulté face aux premiers mouvements de retraits de ses clients. 

Le 8 mars 2023, SVB indique avoir besoin de faire une augmentation de capital de plusieurs milliards de dollars. La vente à perte des titres d’états pour augmenter la liquidité 

Le 9 mars 2023, les clients de SVB commencent à retirer assez massivement leurs dépôts par crainte. 

Le 10 mars 2023, les clients initient pour plus de 42 milliards de dollars (environ 30% des dépôts totaux) de retraits, la banque n’a pas la liquidité suffisante. Le régulateur intervient.

Le 11 et 12 mars, la FDIC et la FED mettent en place le sauvetage, au final la FED va se porter garant pour la totalité des dépôts afin d’éviter la contagion du risque. 

Quelles sont les erreurs commises de la faillite de Silicon Valley Bank ?

Quand une banque reçoit de l'argent en compte courant d'un client elle va faire deux choses :

  • placer une grande partie de l'argent sur des actifs liquides 
  • se couvrir sur le risque de taux d'intérêt (les dépôts servant à financer en partie des prêts, quand les taux montent la banque va gagner de l'argent, si les taux perdent elle va en perdre).
faillite Silicon Valley Bank

SVB a au final géré son risque, mais pas avec les bons instruments. La pratique veut de séparer la gestion au travers de deux instruments différents : 

  • la gestion du risque de liquidité se fait en investissant sur des titres sûrs (ou auprès de la banque centrale)
  • la gestion du risque de taux d’intérêt se fait en utilisant des produits dérivés, swap de taux notamment.

SVB a été victime de son succès et d'avoir mélangé gestion du risque de taux et de liquidité.

Quand les clients ont voulu retirer leurs argents, la banque a dû vendre des obligations d'état, sauf que la vente a dû être réalisée avec des pertes car les taux d'intérêt avaient monté. (Quand les taux montent le prix d'une obligation baisse et inversement). 

L’Europe ou la France peuvent connaître un équivalent à la faillite de Silicon Valley Bank  ?

Oui, quasi aucune banque ne pourrait résister à un bank run. Le bank run, c'est un tsunami, les digues sont certes plus hautes en Europe qu'aux États-Unis, mais si une majorité des clients retire l'argent d'une banque, elle ne peut pas survivre.  

La grande différence est que la base de clients de SVB était peu diversifiée. Avec la même typologie de clients, l'effet moutonnier joue à plein. 

En 1 journée, environ 30% de fuites des dépôts. 

Pour donner un élément de comparaison, les stress utilisés par les banques estiment le plus souvent entre 5 et 25% de fuite de dépôts sur 1 mois. 

Les États-Unis, plus laxistes ? 

Le régulateur américain impose énormément de règles et de tests. Même plus que le régulateur européen. Mais pour les deux régulateurs, on a aujourd'hui une accumulation de règles et d'indicateurs (il suffit de voir le nombre de scénarios économiques utilisés), qui au lieu de réellement cerner les enjeux, ont transformé la gestion des risques internes d'une banque en des projets de nettoyages de données pour essayer de produire des chiffres que peu de personnes comprennent et encore moins lisent. 

Une banque, c'est une entreprise au final 

La seule chose qui entraîne la faillite, c'est d'être à court de cash, c’est ce qui s’est passé pour la Silicon Valley Bank. Le risque de liquidité est souvent oublié pour une banque, surtout ces dernières années où la perception d'une liquidité abondante a rendu ce sujet secondaire.

Une confiance perdue ? 

Le système bancaire repose sur la confiance et la transformation. L'action première d'une banque est d'utiliser les dépôts pour financer au travers des prêts l'économie. C'est le fondement et si les clients ont le moindre doute sur la capacité de la banque de gérer cela, la chute est immédiate.

confiance perdue

La confiance passe donc par une transparence et par une gestion saine. Être une banque, c'est aussi accepter de générer moins de revenus en évitant de transformer excessivement.

La suite

La FED est venue en secours et va au final couvrir l'ensemble des dépôts pour éviter la propagation du risque. 

Les entreprises et en particulier les start-up vont certainement faire attention où sont déposés leurs argents. La multibancarisation va (re)devenir la norme de base. La gestion du bilan (Asset Liability Management) va être aussi renforcée et les fintechs vont aussi devoir démontrer une solidité plus importante. Car SVB était très largement bénéficiaire, avec de nombreuses sources de financement. 

Si Silicon Valley Bank a pu connaître la failliteen quelques jours, les acteurs plus récents seraient tombés en quelques heures. 

La plupart des acteurs bancaires vont expliquer que le risque est "idiosyncratique", terme complexe utilisé régulièrement dans les grands groupes (avec le mot "cranté" aussi), pour simplement dire que le risque est spécifique à SVB et que eux ne sont pas concernés. 

Des tableaux de comparaison de chiffres vont apparaître sur LinkedIn et autres en essayant de montrer qu'une banque est plus solide que les autres. 

Le choc qu'a subi SVB est certainement 4 ou 5 fois plus important que le niveau servant de base dans le calcul du LCR par exemple. 

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