Face à une demande de logements sociaux croissante atteignant un niveau record de 2,24 millions de ménages en attente, et dans un contexte de faiblesse du marché de la construction, Élisabeth Borne a présenté le plan du gouvernement visant à résoudre la crise du logement.
Ce plan comprend 14 mesures, dont les grandes lignes avaient déjà été annoncées par Matignon dès le dimanche 4 Juin 2023 au soir, à la suite de plusieurs mois de consultations au sein du Conseil national de la refondation. Le Conseil national de la refondation, organisme consultatif français chargé d'étudier et de formuler des propositions pour résoudre les problèmes liés au logement et à l'habitat, réunit des experts, des représentants des différents acteurs du secteur immobilier, des associations de locataires, des élus et des représentants de l'État.
Parmi les mesures proposées, on trouve la prolongation du prêt à taux zéro, la fin du dispositif Pinel, ou encore le renforcement du dispositif “Ma PrimeRénov’”. Toutefois, les professionnels du secteur ont accueilli ces mesures avec réserve, exprimant leur déception et leur colère.
Le prêt à taux zéro prolongé
Dans le cadre de ce plan, une mesure phare consiste à prolonger le prêt à taux zéro (PTZ) jusqu'en 2027, alors qu'il devait prendre fin le 31 décembre 2023. Toutefois, le dispositif sera recentré sur l'achat de logements neufs en habitat collectif dans les zones tendues, ainsi que sur l'achat de logements anciens (individuels ou collectifs) dans les zones non tendues, à condition qu'ils fassent l'objet de rénovations, selon les informations fournies par le gouvernement.
Olivier Klein, lors d'une intervention sur franceinfo, a expliqué cette décision en affirmant qu'il fallait faire des choix budgétaires et privilégier le logement du plus grand nombre, notamment en favorisant l'habitat collectif. Il a toutefois souligné que cette mesure restait néanmoins significative.
Pour faciliter l'accès au crédit immobilier, le gouvernement a également décidé de prolonger jusqu'à la fin de l'année 2023 la mensualisation de la révision du taux d'usure. Cela signifie que le taux maximal auquel les banques sont autorisées à accorder des prêts sera révisé tous les trois mois, afin d'éviter que cela ne constitue un obstacle pour les emprunteurs.
« Taxer plus les Airbnb » ?
Une autre mesure envisagée concerne une révision de la fiscalité des locations. Élisabeth Borne a demandé à ses ministres d'examiner la possibilité d'aligner la fiscalité des meublés touristiques sur celle des locations à long terme, ces dernières étant accusées d'aggraver la crise du logement. Olivier Klein s'est déclaré en faveur d'une imposition plus élevée pour les locations Airbnb, et n'a pas exclu la possibilité d'interdire la plateforme dans les centres-villes des grandes destinations touristiques.
Dans le but de faciliter l'accès à la propriété, le gouvernement a également annoncé une augmentation du plafond de ressources pour le dispositif de "bail réel solidaire", qui est actuellement expérimenté à Paris. Selon le ministre du Logement, cette mesure permettra aux Français d'acquérir un logement de manière plus abordable sans devenir propriétaires du terrain sur lequel il est construit.
Fin du dispositif Pinel
En revanche, le gouvernement a pris la décision de mettre fin au dispositif Pinel, qui offre une réduction d'impôts pour l'achat d'un bien immobilier destiné à la location, d'ici 2024, le considérant comme inefficace.
En parallèle, il prévoit d'étendre son dispositif de "logement locatif intermédiaire" afin de proposer des logements abordables aux classes moyennes qui n'ont pas accès au parc social. Actuellement réservé aux zones tendues, ce dispositif sera étendu à environ une centaine de communes en zone détendue.
Logement d’abord
Dans le cadre du programme "Logement d'abord", le gouvernement a également annoncé une enveloppe de 160 millions d'euros sur cinq ans pour fournir un logement pérenne aux personnes mal logées.
Afin de soutenir le secteur de la construction et d'éviter une saturation du marché, le gouvernement a également demandé à la Caisse des Dépôts et à Action Logement de racheter 47 000 logements neufs invendus.
Renforcement du dispositif MaPrimeRénov’
Le dispositif MaPrimeRénov' sera renforcé afin de stimuler la rénovation énergétique du parc immobilier existant. Le nombre de guichets "France Rénov'" sera augmenté de 450 à 1 300, et celui des "accompagnateurs Rénov'" passera de 2 000 à 5 000.
La Première ministre a souligné l'importance de la transition écologique dans le secteur. Afin d'accélérer la rénovation énergétique des bâtiments, le dispositif d'aide à la rénovation énergétique MaPrimeRénov' sera renforcé.
Garantie Visale
En ce qui concerne la garantie Visale, le nombre de bénéficiaires sera plus que doublé. Cette garantie, qui permet aux locataires d'obtenir un garant par le biais d'Action Logement, sera étendue à "plus de 2 millions de personnes" d'ici 2027, par rapport à 1 million de bénéficiaires depuis 2018.
Les professionnels de l'immobilier expriment leur déception
Les annonces formulées par le gouvernement lors du Conseil national de la refondation (CNR) sur le logement, le 5 juin, ont suscité des réactions mitigées de la part des professionnels de l'immobilier et de l'habitat. Sept organisations patronales ont exprimé leur colère face aux mesures présentées par l'exécutif, accusant une absence de politique du logement et appelant les autorités à prendre conscience de l'ampleur de la crise.
Les attentes des acteurs du secteur étaient élevées, espérant un véritable électrochoc pour résoudre la crise du logement. Cependant, les annonces ont été qualifiées de "mesurettes" et ont été perçues comme manquant d'ambition par de nombreux professionnels. Certains ont exprimé leur désillusion face à un manque de moyens pour accompagner les objectifs affichés par le gouvernement, tels que relancer la construction, faciliter l'accès à la propriété et soutenir le logement social.
Dans un communiqué commun, les organisations patronales ont déclaré que tout un secteur était méprisé et ont remis en question l'existence même d'une politique du logement. Les professionnels estiment que les mesures annoncées ne sont pas à la hauteur des enjeux et qu'elles ne permettront pas de répondre efficacement à la demande croissante de logements.
La déception des professionnels repose sur plusieurs raisons, telles que l'absence de moyens financiers suffisants pour soutenir les projets immobiliers, le manque de mesures incitatives pour encourager la construction de logements abordables, et des dispositifs jugés insuffisants pour favoriser l'accession à la propriété et à la location.